ADONNER (S'), verbe pronom.
Étymol. ET HIST.
I.− Emploi pronom. 1. a) Ca 1140
s'adonner a « se présenter dans une direction, regarder vers (d'un lieu) » (
Vie de St Evroult, 1675 ds Barbier ds
Proc. Leeds philos. lit. Soc., t. 1, p. 94 : En tertre qui
au bois
s'adonne);
b) fin
xiie-
xixes. « tendre vers un point, mener dans une direction (d'un chemin) » (
Béroul,
Tristan, éd. Muret, 3378 ds T.-L. : Cele voie qui là
s'adone, Vet li vaslez); encore ds
Pt Littré 1874; noté
vieilli ds
DG; 2. 1245/80-1616/20
s'adonner, emploi abs. « se présenter (de manière favorable, d'un inanimé : temps, occasion) » (
Rutebeuf, I, 449 éd. Jubin ds T.-L. : Puis que le temps aisi
s'adonne), encore attesté dans cet emploi en 1576,
Baïf,
Mimes ds
Hug. :
s'y adonner «
id. » encore en 1616-1620,
Aubigné,
Hist. univ., VII, 21,
ibid. : Pour... sauver quelques maisons de gentilshommes et Gergeau, si le besoin
s'y adonnoit; 3. a) 1164-1932
s'adonner à + inf. (suj. animé) « se consacrer à + inf. » (
Gautier d'Arras,
Eracle, 5055, Löseth ds
R. Hist. litt. Fr., I p. 490 : Car toute gent
s'est adonnée. Et
a mal dire et
a mal faire). −
Ac. 1932
s.v. : ... Il
s'est adonné à boire; 1342
s'adoner a (qqc) « se livrer avec ardeur à (qqc.) » ici en mauvaise part (
J. Bruyant,
Chemin de Povreté et de Richesse ds
Ménagier de Paris, éd. Société des bibliophiles fr., t.
ii, 8 b ds T.-L. : que ton cuer ne
s'adonne A nul des sept mortels pechiés); dep.
Nicot 1606 noté comme étant empl. en bonne ou mauvaise part;
b) 1205 suj. animé, emploi abs. « s'abandonner (attitude de supplication) » (Guill. de Palerme, éd. Michelant, 7715 ds T.-L. : Lors
s'est a ses piés
adounee), attest. isolée; 1360/70-2
emoitié du
xvies./début
xviies.
s'adonner à + subst. de pers. « s'abandonner à (qqn; d'une femme) » (
B. de Sebourg, XVI, 575 ds
Gdf. : Si
m'adonnai a lui par amoureus delis). − (
Brantôme,
Dames, II, éd. Lalanne, IX, 213 ds
Hug. : On les prendroit pour fort débauschées, et prestes pour
s'adonner aussitost);
c) fin
xiies. dr. médiév. « se donner à une abbaye à titre d'oblat » (
Livre Roisin, 13, 7 ds T.-L. : s'aucuns bourgois...
s'adonne a hospital ou a hostelerie); 1310
adonné, part. passé substantivé «
id. » (
Cart. de Flines, éd. Hautcœur, 383 ds
Gdf. : Jehans li Ruys,
adonnes a l'eglise de Felines).
II.− Trans. 1. a) 3
etiers
xiies.
adoner + subst. de pers. +
a + inf. « exposer, soumettre (qqn) à + inf. » ([
Pierre de Blois],
Hist. de Job, Ars. 3142, fol. 174a ds
Gdf. : ... Quant il [Dieu] voet ordener, Et castoiier et
adener Son serf
a souffrir aucun grief), attest. isolée; 2
emoitié
xives. − 1546
adoner + subst. d'inanimé +
a + inf. « consacrer (qqc.) à + inf. » (
Expos. de la reigle de M. S. Ben., 1486, fol. 102c ds
Gdf. : Nous
adonnons nostre entente souvent
a vacquer a oraison). − (
Rabelais, III, 25, ds
Hug. : Lequel tout son estude
adonnoit à observer et entendre les maulx et miseres d'aultruy);
b) 1531
adoner + subst. d'animé +
a + subst. « livrer (qqn) à (qqc.) » (
Marot, Trad. du 1. I de la
Metamorphose ds
Hug. : Pour la terreur d'un tant subit esclandre
Fut l'humain genre asprement estonné, Et tout le monde
à horreur
addonné), attesté seulement au
xvies.; 1546/1574, même constr., « consacrer (qqc.) à (qqc.) » (
Amyot,
Périclès, 1 ds
Hug. : Il le fault tousjours
addonner [l'entendement]
à ce qui est le meilleur),
id.; 2. a) 1252 « donner (un serf) à un établissement religieux, à titre de donné, d'oblat » dr. médiév. (
Cart. de St Amand, I, fol. 40 r
o, Arch. Nord ds
Gdf. : Si les
ai adounes [des serfs] a l'eglises de Saint Amant, cascun parmi .II. louiziens de cens par an, et si les ai quites de tous siervages), attest. isolée;
b) 1258 « faire don de, octroyer (qqc.) » (
Roman de Mahomet, éd. Reinaud et Fr. Michel, 59 ds T.-L. : De la loy que dex
adonner Lor voloit), attest. isolée;
3. 1687 mar. « devenir plus favorable (du vent) » (
Desroche,
Dict. termes de mar. ds
Jal2), seule accept. de l'emploi trans. demeurant en fr. mod.
Du lat. vulg. *
addonare que l'on peut déduire de l'ancienneté des corresp. rom. : a. prov.
adonar ab « s'allier à » (début
xiiies., Cadenet ds
Rayn.); a. cat.
adonarse « s'adapter » (fin
xiies.-début
xives. ds
Alc.-Moll); a. esp.
adonar « pourvoir de vertus morales » (1220-50,
Berceo,
Alex. ds
Cor.); a. ital.
addonare intrans. et réfl. « s'apercevoir » (1
remoitié du
xiiies., Giacomo da Lentini ds
DEI t. 1 1961);
cf. avec I 3 c et II 2 a, lat. médiév.
addonare se, 1296, Ch. de Philippe le Bel, Livre rouge Ch. des Comptes de Paris, fol. 417 v
o, col. 1 ds
Du Cange : Concedimus... eisdem praeposito, decano... et capitulo... quod omnes homines et feminas nobiles aut liberos... qui se eisdem praeposito, decano, thesaurario et capitulo infra annum et diem Addonaverint... ab eisdem... post talem Addonationem... ipsi praepositus, decanus, thesaurarius, et capitulum in suos recipiant et retineant;
addonné, 1310 synon. de
donné dep.
ca 1265 ds
Gdf. s.v., a. prov.
donat. 1225 ds
Rayn., voir
Du Cange s.v. donati et aussi
oblati.
[L'attest. ds
Cantilène de Sainte Eulalie (éd. Meyer, 13 ds
Gdf. s.v. adoner : Ell'ent
adunet lo suon element) ne semble pas à sa place : c'est à raison, semble-t-il, que John Orr, ds
Arch. roman., t. 14, pp. 407-414,
Sur un vers de l'Eulalie, rapproche ce verbe
adunet du lat.
adunare « assembler, unir », a. fr.
aüner ds T.-L., qui cite sous ce verbe la phrase d'
Eulalie].